Ski, foot, boxe, judo, bodybuilding, tennis, capoeira. Mais surtout filles, garçons, hommes, femmes, blacks, blancs, beurs. Ils sont passionnés ou dilettantes, vainqueurs, ou perdants, supporters ou champions, amateurs ou pro. Ils vivent le sport dans tous ses états, comme une obsession, une détente, un refuge ou un défouloir. En 13 histoires, passant du rire au drame, de l’émotion au suspense, ce recueil explore le sport comme lien social, et miroir de notre société, pour le meilleur et pour le pire.
Extrait :
– Attention Elsa, il arrive ! dit papa. Plie un peu les jambes, on s’assoit… là, parfait.
Il, c’est le télésiège. Qui nous ramasse puis, très vite, nous balance à dix mètres du sol. Le
vent est plus vif, à cette hauteur.
– On est juste à l’aplomb des sapins, fait papa, je suis sûr que si je me penche, je peux en
toucher un avec mon gant.
Il m’amuse. Il faut toujours qu’il exagère.
– Les Aiguilles d’Arves sont vraiment superbes, ajoute-t-il. C’est incroyable comme elles se
détachent sur le ciel – quel bleu ! La première, en forme de tête de chat, on jurerait qu’elle
va miauler…
Il enchaîne. Il n’arrête jamais.
– Oh là là… Le gros monsieur en rouge semble en difficulté. S’il se prend un arbre il va le
déraciner, à tous les coups !
– Chut, papa…
– Je suis un amoureux de la nature, moi, je m’inquiète pour elle !
On est trois sur le télésiège et le rire de la dame à ma gauche cascade dans les aigus.
– Et s’il percute un skieur, ajoute-t-elle, c’est l’hélicoptère et les urgences, direct.
La conversation s’engage, légère.
Jusqu’en haut.
– On arrive, Elsa. Lève un peu tes skis… attention à la petite descente.
– Je sais, papa…
– Je sais que tu sais… mais laisse-moi radoter, ça me fait plaisir.
Je souris. Il est désarmant.
Les planches se posent, je me redresse, glissade, chasse-neige.
– On va de ce côté, sur la gauche… piste rouge.
Je le suis. Il faut pousser sur les bâtons.
– Voilà, on y est.
Chaque fois que je me retrouve au sommet, j’ai mon petit rituel : avant de m’élancer, je
laisse fondre un peu de neige sur ma langue.
À ceux qui s’étonnent – ou se moquent – de cette manie un peu étrange, papa réplique :
– Nadal, le joueur de tennis, vous voyez qui c’est ?
Eh bien lui, avant de servir, il remonte toujours son slip… alors goûter la neige, excusez-moi,
mais c’est quand même plus élégant ! En général, ça cloue le bec de son interlocuteur.